jeudi 12 février 2009

Passéisme et politique

http://www.voxnr.com/cc/tribune_libre/EkFuuuyVkAebvkbaxi.shtml

Un article du site toujours excellent de VOXNR propose une vision à notre avis mal orientée qui oppose le courant identitaire aux réalités politiques.

L'auteur, Philippe Delbauvre, adopte une attitude précisément fort peu politique en évacuant une idée soutenue par un groupe politique qui a par ailleurs des divergences avec son point de vue. On peut naturellement ne par partager les vues d'un groupe, mais cela ne disqualifie pas automatiquement l'idée qu'il propose ou une partie des idées proposées.

En l'occurrence Mr Delbauvre reproche au courant identitaire d'être en dehors de la réalité politique en ne se souciant pas des questions sociales notamment en étant en dehors de la grand messe CGTiste du 29 Janvier et d'appuyer sa rhétorique par l'artificialité de l'identité proposée par certains groupes dits "identitaires".

Notre analyse diverge. Nous croyons en fait que si l'expression des deux phénomènes précités est différente, ce n'est pas la plus massive -et la plus brève- qui est nécessairement la plus lourde de sens ni même que les motivations de ces manifestations a priori éloignées soient antagonistes.

Ce qui caractérise la modernité en Europe c'est l'expansion de l'écrit et de la lecture par l'alphabétisation qui a engendré la montée de l'individualisme, puis mécaniquement des idéologies comme forces structurant la société contre la foi. Cette alphabétisation a engendré mécaniquement une régulation des naissances, il y a là un lien systématique. L'individu prend plus de poids dans la société, les idées se développent et s'opposent. Les sciences sont stimulées. Ces sciences engendrent une rupture en faisant exploser les innovations dans la production et créént un nouveau type d'organisation économique: le capitalisme qui lui même évolue de plus en plus rapidement.

Très vite les populations quittent, pour la première fois depuis des millénaires, le cycle immuable de la nature (temps, espaces, rapports sociaux et économiques) pour l'univers urbain. C'est alors le temps du politique, de l'idéologie mais aussi de la propagande qui seule peut toucher la masse nouvellement concentrée et imposer le credo consensuel et transcendant asseyant le nouveau système.

Ce schéma engendre un exode rural et une mort des communautés ethniques qui ne savent se doter des moyens modernes de survie comme un état, une armée moderne, une élite, une langue moderne unifiée. Si, comme en France, une idéologie structurante se dote de la puissance publique et propose de détruire le facteur ethnique pour complètement pénétrer les masses et les contrôler, on aboutit à un déracinement général qui réalise l'unité dans le politique: c'est le stato-nationalisme français dit civique et collectiviste. Cela a été achevé entre 1950 et 1980.

Cette rupture est donc récente et gigantesque. Le nouveau modèle ne présente face à l'ancien aucune stature comparable et tient lieu d'expérience qui peut, comme de nombreuses autres, finir en catastrophes ou en neige fondue.

Mais la modernité individualiste a engendré de grandes répercussions en basant sa réalité sur le mythe du progrès et de l'omnipotence de la technique et du marché. Cela a fait imploser la conception du temps, jadis couplé à celui des rythmes des saisons et des récoltes, pour concevoir celui ci en rapport avec une culture de vitesse et de consommation immédiate et partant d'une vision sociale basée sur le présent (permanence courte) contre celle du passé-présent-futur (permanence longue) de jadis. Le religieux et le sacré disparaissent alors car ils n'expliquent plus le monde tant les prodiges des découvertes diverses semblent annoncer une nouvelle religion de la matière, enfin efficaces concrètement et mesurables par l'individu devenu en plus un consommateur sensible à ces critères.

Les idéologies reposant sur des états deviennent donc des éléments structurants transitoires avec des formes solides hybrides entre l'individu atomisé dans un espace international ouvert (finalité du communisme et du libéralisme) et la communauté ethnique pieuse (tradition). Aujourd'hui la désagrégation des états se manifeste non pas frontalement mais par la désertion de leurs "citoyens" aux valeurs collectives quelles qu'elles soient (droits de l'homme, démocratie, etc.). Paradoxalement en effet, les états démocratiques sécrètent la substance qui ronge toute volonté collective et engendrent un individualisme général, une liquéfaction, qui ne peut tenir que tant que la magie marchande, scientifique opère "séparément pour tous" (c'est à dire la promesse proposée par l'école progressiste).

Or à cette première rupture d'avec la nature succède une autre: celle à l'intérieur même du mythe progressiste. En effet, la génération qui vient aura moins que celles ayant vécu depuis deux siècles, c'est à dire depuis le triomphe de la science et des Droits de l'Homme. La crise actuelle est donc une phase de rectification générale au niveau global et qui profitera aux autres nations en essort, mais finale pour la patrie même du progressisme qui rencontre la limite des possibilités de sa religion. On a donc un "désenchantement du désenchantement".

Hors face à cette soudaine inefficacité, les individus se retrouvant sans forces structurantes puisque liquéfiées et prenant étape par étape conscience de l'ampleur du nihilisme consumériste qui était le leur, se remettent en question. Le premier réflexe est donc de retarder l'échéance à savoir la disaparition des dernières bouées ayant encore un semblant structurant: c'est l'état, etc. De l'Europe donc, il ne reste rien de ce qu'elle fût pendant si longtemps avant l'ère de la modernité.

Le mouvement des jeunes étudiants est caractéristique tout comme celui des fonctionnaires et relève d'une démarche profondément réactionnaire en ce qu'elle essaie de stopper un processus inévitable de désagrégation qui passerait selon eux par le maintien de l'état hybride. Mais cet état hybride reposant sur l'idéologie, la science et le strict stato-nationalisme n'étant qu'une transition par nature ne peut être conservé. C'est donc une démarche désespérée. En effet malgré les étiquettes progressites des individus qui défilent, de leurs associations ou partis, elles adoptent une posture qui tend à maintenir un existant, à "conserver" (des statuts, des salaires, etc.) et non plus à réclamer (base du discours progressiste émanant du culte matérialiste de la réalisation par l'accumulation et le partage de cette accumulation). Une défaite finale éclatante attestée par la capitulation de la gauche sur son crédo historique: l'homme est fait pour dominer la nature. Dogme balayé en effet par la conversion du clergé progressiste à l'écologisme et à la limitation volontaire de consommation des ressources. Victoire plus retentissante que la chute du Mur... d'autant plus retentissante qu'elle est silencieuse et partagée par les capitalistes américains eux mêmes et leur adoption de mesures écologiques dans leur désespéré plan économique. 

Par ailleurs le cynisme de ceux qui ont défilé le 29 janvier, tous fonctionnaires hormis d'ostentatoires exceptions instrumentés par des syndicats fonctionnarisés, frôle des sommets puisqu'ils ne réclament rien moins que la hausse de ses salaires qui ne fera qu'engendrer une pression accrue sur la société civile et les entreprises déjà lourdement taxées pour financer un état occupant 25% de la population active. C'est en vérité un conflit clérical avec un clergé qui demande grâce à l'aristocratie financière sur le dos du tiers état ouvrier, commerçant, artisan et employé. Socialement donc, en plus d'être réactionnaire et ringarde, une telle position serait socialement injuste. Mais le miroir médiatique de la télévision d'état a su par son clinquant séduire de naïves allouettes qui, toutes anti-système qu'elles soient, envient cette belle exposition corporatiste. Socialement donc ce sont, comme par hasard, les petits entités (PMI-PME) qui font les frais du nombrilisme hypnotisant des représentants d'un état hybride essouflé régnant sur un désordre général (liquéfié).

Ainsi, face à la liquéfaction suivie de la crise la volonté de ces gens est de (re)structurer la société via des outils classiques existants pour ne pas affronter le bilan du processus progressiste dont ils sont les zélés prêtres sacrificateurs. Les communistes de Russie essayèrent de la même façon en 1990 tout comme l'aristocratie en 1789. Mais cela est nous l'avons vu impossible par nature, "réactionnaire" au sens ou ils luttent par intérêts "petit bourgeois" contre un processus en cours qui ne relève pas du désir de tel ou tel mais d'une mécanique ayant un début et une fin.

Le courant identitaire lui aussi appelle à la structuration, mais en passant par l'individu. Là ou les réactionnaires cherchent à "structurer par la structure" sans restructurer l'homme atomisé, le courant identitaire poursuit un processus en cours tout en le modifiant comme une sorte d'humanisme traditionnaliste. Actant de l'individualisme il fait appel à un besoin individuel de structuration par ce qui constitue l'individu lui même : l'homme dans sa permanence longue donc rapport à l'histoire, sa langue, une réappropriation limitée de l'espace, un particularisme général, éventuellement une foi patrimoniale ou une spiritualité historique. Une fois l'individu ayant renoué avec les forces structurantes individuelles le rattachant au temps long, aussi maladroites que soient les démarches, c'est une nouvelle dynamique de collectivisation qui se met en place car la culture ethnique par obligation collective. Une dynamique adaptée au monde nouveau et qui en fait aboutit à un retour involontaire à la situation antérieure, c'est à dire d'enracinement, de localisme, d'appartenance mais peut être avec une dimension nouvelle issue des larges horizons du système transnational capitaliste: le continent civilisation.

Croire comme Mr Delbauvre que courir après ceux qui ne font que constater leur défaite historique donnerait du crédit à la démarche des "nationalistes" qui le feraient, c'est une erreur dramatique comme l'est celle des financiers qui courrent après la planche à billet pour maintenir l'illusion de la pérénité de leur modèle ou celle des soviétiques de marier la carpe socialiste et le lapin démocratique. La Chine ayant elle adopté un strict national-socialisme reposant sur un capitalisme d'état, un modèle que l'on retrouvait en Allemagne il n'y a pas si longtemps.

L'identité sera fondamentale pour les 40 prochaines années. Elle l'est déjà. Plus précisément la question des ensembles ethno-raciaux et civilisationnels et de leur organisation ou réorganisation va se poser de manière accrue. Nous pouvons comparer cela à une "déglaciation" générale issue de la chute des deux empires progressistes et matérialistes: l'URSS et les USA. Avec la fin de leur dogme de la "religion de la matière", des recombinaisons ethno-raciales et religieuses se forment pour définir le poids des influences. C'est comme si un curé ayant perdu la foi quittait l'église et se retrouvait face à lui dans le civil: il ne dispose plus que de sa carte d'identité, de sa langue, d'une origine, peut être d'un patrimoine familial.

A cet égard la mouvance identitaire est certainement plus audacieuse d'un point de vue idéologique, même si ses manifestations sont balbutiantes, mal organisées, maladroites et comme toujours trop occultées par des questions de personnes. Mais ce mouvement existera quoiqu'il en soi. Il se manifestera chez les immigrés comme chez les autochtones et on ajoutera même que cette coexistence va accélérer l'ethnicisation de la société. Les nostalgiques peuvent pleurer, comme Alain Soral, Marine Le Pen et autres républicains. On peut pleurer aussi sur le fait qu'il pleuve.

Tout cela bien sûr n'exclut pas et ne doit pas exclure la dimension des problèmes sociaux et économiques, bien au contraire. Mais puisque la disparition de la religion du progrès, et donc de la démocratie parlementaire, médiatique et émotionnelle ( que seul un matraquage artifiel peut maintenir) est amorcée, il serait absurde de s'enfermer dans une logique qui fera de ceux qui s'acharnent à l'instar des communistes russes actuels de Russie une minorité périphérique.

Puisque les idéologies au sens universelles s'effondrent, notamment sous le poids de l'échec états unien (ce que devraient méditer les authentiques progressistes qui tiennent à maintenir leur dogme opératoire au sein d'un occident encore dominant), le bon sens fait que son l'humanité dans le temps qui va prévaloir sur la société du temps court actuelle. 

En ce sens la mouvance identitaire, ethno-raciale et européiste est l'avant garde là ou le stato-nationalisme fait figure de forteresse assiégée sur le point de capituler. Le discours expliquant que le "régionalisme" serait une menace est aussi pertinent que dire d'un fusil de chasse qu'il est une menace. Un objet ne peut être sujet. La question est de savoir qui s'en sert le mieux et non de de maudire le fait qu'elle blesse. Car les états nations censés représenter la panacée pour des jacobins (prêchant pour les intérêts de la petite caste franco-parisienne) seraient bien incapables de nous expliquer pourquoi ces mêmes états se sont abdiqués eux mêmes. D'ailleurs la France qui est le pays le plus cosmopolite est aussi le plus centraliste d'Europe renvoyant donc nos chers réactionnaires à leurs études...

C'est pourquoi des visionnaires ont 100 fois plus de choses à apprendre des gallois, des corses ou des basques que de ceux qui agitent désespéremment les drapeaux idéologico-messianiques, qu'il soit rouge ou tricolore, qui ne font  plus espérer personne et qui sont déjà au musée de l'histoire. Et on ne saurait en tous cas accabler ceux qui avancent plus vite d'être en retard.


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